Lurçat Jean. Peintre, créateur de tapisseries. Lettre autographe à Marthe Hennebert, 11 février 1915 (Réf. G 5718)
Jean Lurçat est mobilisé pendant la guerre de 1914.
Très belle lettre à sa future épouse Marthe Hennebert
" ...La vie est encore loin pour moi et impossible à saisir. J’ai toujours du noir devant moi qui est l’incertitude de survivre... "
VENDUE
LURÇAT (Jean).
Né à Bruyères (Vosges). 1892-1966.
Peintre, créateur de tapisseries, céramiste.
L.A.S. « Jean » à Marthe Hennebert, sa future épouse.
La Mure, 11 février 1915. 2 pages grand in-8. Papier à carreaux.
Mobilisé en 1914, Lurçat est engagé dans l’infanterie. Malade, il est évacué le 15 novembre 1915 et transporté à l’hôpital de La Mure afin d’y être soigné d’une fièvre typhoïde.
...Pourquoi mon amie m’avoir envoyé cette lettre bleue où s’étale si bien ma cousine bigote. Je suis tout excité de rage en songeant à cet accueil et à cet (sic) offre. Elle ne m’a rien dit à mon passage et Dieu sait alors combien j’aurais souffert. Je n’ose y songer et le rouge me monte aux joues. Je me cache des camarades qui rient de ma lettre et parlent de page de musique.
Eux seuls ignorent la vérité de ce qu’ils disent pour ce qui est de la lettre blanche...
Je sens le parfum et qui est le tien, et de tes robes.
Je me rappelle trop de choses qui me rendent lâche.
Je serai de retour au feu avant deux mois.
Je reçois des lettres de partout et de gens qui vivent. Je dors ; je me débats un peu et je me rendors. Je tombe lentement ici, dans ce milieu d’hommes qui geignent ou qui jouent.
La vie est encore loin pour moi et impossible à saisir. J’ai toujours du noir devant moi qui est l’incertitude de survivre. Je ne ressens plus que par secousse tout ce qui fait la richesse de ce qui s’est passé.
Tu vois la mer mon amie que je n’ai pu voir avec toi. Frappes la de ta main à plat et vois comme elle est rouge certains matins. Et si tu m’aimes dis toi que j’ai vécu longtemps en face d’elle et que je songeais alors à toi.
J’ai souvent pensé là bas au bonheur presque impossible de s’y baigner ensemble.
Il est des forces que je ne possède pas et je me dois contenter de ce qui a été vécu.
Et c’est tant de choses déjà.
Oui mon amie je t’embrasse bien fort ce soir...