BARNAVE (Antoine).
Né à Grenoble. 1761-guillotiné en 1793. Avocat au Parlement de Grenoble.
Le plus grand orateur des États-Généraux avec Mirabeau. Manuscrit Autographe Des Révolutions politiques.
S.d. 2 pp. 1/2 in-4 (quelques rousseurs).
Réf. G 3053
…Il y a des révolutions qui se font par le palais, par le centre des pouvoirs et qui entrainent ensuite tout l’empire, il y en a qui se font par l’empire contre le palais et où le centre du pouvoir est ordinairement le dernier point qui résiste. Rien n’est plus rapide qu’une révolution par le palais. Rien n’est ordinairement plus lent qu’une révolution qui commence par les parties contre le centre. Plus le peuple est esclave et accoutumé à l’obéissance plus le succès d’une révolution par le palais est rapide et sûre. (…) Un trône, une cérémonie, la reconnaissance de la garde et l’acclamation du peuple de la capitale décident tout. Il faut une grande énergie dans la nation ou une faiblesse extraordinaire dans le pouvoir pour qu’une révolution qui procède par les extrémités contre le centre puisse réussir…
Barnave prend pour exemple la rébellion du suédois Gustave Vasa [Gustav Vasa (1496-1560) Roi de Suède de 1523 à sa mort.] contre le Danemark, conduit par Christian II qui avait envahi la Suède : …La révolution de Gustave Vasa s’effectua par une nation libre et guerrière indignée des atrocités de cristierne [le roi Christian] et du gouvernement le plus odieux qui ait jamais existé (…). Les commencements furent si faibles, le dénouement si prolongé qu’il est évident que sans l’aveuglement, la lenteur, la lâcheté, l’ineptie du gouvernement, elle eut été étouffée dès les premiers pas (…). La plupart des tyrans se sont perdus par une méfiance qui les a rendus tout à la fois timides, sans motifs et cruels sans nécessité. Ils ont été détruits par ce qu’ils ont paru craindre. Celui qui connoissoit les hommes c’étoit Sylla - Jules Césaer (sic) avoit toutes les qualités d’un grand roi mais il avoit une chose qui ne peut s’allier avec l’établissement de la tyrannie c’étoit la clémence. Il sembloit ignorer que cette indulgence, qui honore un pouvoir reconnu, ne paroit qu’insulte ou faiblesse dans un pouvoir contesté. Sa conduite étoit belle et politique envers le peuple mais aveugle envers l’aristocratie. Il paraissoit croire à l’admiration de ses égaux et à la reconnoissance de ceux qu’il humiliait, et semblait ne pas croire à leur audace alors qu’il encourageoit leur sécurité…
Retiré dans son Dauphiné natal, après avoir été à l’avant-garde de la Révolution entre 1789 et 1790, Barnave profite de sa retraite pour entamer la rédaction de L’Introduction à la Révolution française dans laquelle il offrira une des plus brillantes analyses sur les causes des révolutions. En soulignant le mécanisme qui relie l’évolution économique et sociale à l’évolution politique, autrement dit, une nouvelle distribution de la richesse entraînant une nouvelle distribution du pouvoir, Barnave annonçait les approches du siècle suivant. Jaurès, admiratif de l’historien, vit dans la synthèse que Barnave fit de son expérience révolutionnaire, une anticipation de la théorie marxiste de l’histoire.