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Le dessinateur envoie trois poèmes à son correspondant dans l’espoir que celui-ci les fera publier.
TIRET-BOGNET (Georges).
Né à Saint-Servan-sur-Mer. 1855-1935.
Dessinateur, peintre et illustrateur.
L.A.S. « Georges Tiret-Bognet » [à Paul Redonnel ?].
Paris, 9 novembre 1898. 2 pp. 1/2 petit in-8,
3 poèmes A.S. « Georges Tiret-Bognet » dont un biffé.
S.l.n.d. 4 pp. petit in-8.
Quelques lignes, en haut à gauche, avec la mention N.D.L.D. [notes de la direction ?] : ...Nous recevons la lettre ci-dessous, accompagné de vers. Nous donnons l’une et une partie des autres en vous demandant : « Quel est ce mystère ? ».
Il sollicite son aide : ...Enfermé dans une Bastille nouveau modèle, je ne peux être Latude [Masers de Latude, 1725-1805, prisonnier célèbre pour ses évasions] et vous prie de vouloir bien contribuer à me faire prendre pour Lacenaire [Pierre-François Lacenaire, escroc et criminel il se fait connaître comme poète-assassin et meurt sur l’échafaud]. Je pense que vous ne craignez pas la colère du préfet de police non plus que celle des sbires et escamoteurs dont il est le chef. On me séquestre comme fou depuis sept mois bien que mes dessins et mes œuvres ne permettent pas le doute sur l’état de mon esprit ou de mon système nerveux. Rendez moi généreusement le service d’aggraver le scandale en publiant quelques-uns de mes vers dans la Plume ou ailleurs. Je vous confie trois morceaux inédits. Vous seriez aimable d’adresser un numéro à ma femme Madame Tiret Bognet 12 rue des Minimes, et un à moi au siège de ma villégiature forcée, Maison du Docteur Goujon, 90 rue de Picpus en ville...
Miracle aux Champs (poème biffé) : 52 vers
...Gens qui trouvez le pain sur votre table prête, / Pensez-vous au labeur de celui qui sema, /A l’effort de ses bras qu’un espoir anima / Quand il suivait ses bœufs accouplés par la tête ? / Savez-vous qu’il fallut la herse et le rouleau ? / Voyez-vous les soucis du temps de la récolte, / L’orage au sein des airs, la Nature en révolte / Et l’épi se couchant aux menaces de l’Eau ? / D’impitoyables voix disaient : « Tu pourriras ! » / C’est en vain que la grange entrouve sa fenêtre : /Jamais tu n’entreras dans les greniers du Maître ; / Il n’aura point de peine à te garder des rats...
Souvenir grec : 14 vers
...Mon Âme voyageait d’espérance vêtue / A travers la rumeur active d’un faubourg / Quand devant moi soudain se dressa la statue / Du Travail, bronze énorme, avec de l’ombre autour / Il barrait le milieu de la route battue : /Son geste menaçait les Ailes d’un vautour /Car le marteau qui forge est une arme qui tue.../ Et plus loin, dans un four, bourdonnait le tambour...
Prélude : 20 vers
...Notre Esprit est déjà citoyen de l’Espace... / Il y veut retourner la nuit, quand tout s’endort : / Sur la terre où l’on vient pour attendre la Mort / Le rêve d’exister est un rêve qui passe. / Puisqu’aux lois du sommeil le vivant est soumis / La moitié de nos ans nous échappe à nous-même : / Le souvenir s’épuise à creuser le problème /Et cependant ailleurs nous avons des amis...
Dessinateur, membre des Hydropathes, Tiret-Bognet passe une vie difficile et misérable dans le quartier de la Goutte-d’Or. L’artiste cherche à oublier sa misère dans l’alcool et fait de fréquents séjours dans les hôpitaux.
La lettre est probablement adressée à Paul Redonnel qui appartenait au comité de direction de la revue La Plume, avant d’en prendre la direction en 1899.